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mercredi 25 août 2010

Au pays des géants

Les hasards de l'histoire ont placé côte à côte sur les terrains d'une des plus grandes distillerie du monde, à Mexico, des oeuvres des architectes Mies van der Rohe et Félix Candela. Une fois réunis en ce lieu par les dirigeants de la distillerie Bacardi, qui appréciaient l'architecture de l'un et l'autre, chacun d'eux y réalisa une oeuvre dans la droite ligne de ses réalisations précédentes.
Dans les années 1950, Bacardi, alors une société cubaine, commanda un édifice à bureaux à Mies van der Rohe; l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro en 1959 empêcha la construction de cet édifice, Bacardi étant même forcée de quitter l'île au début des années 1960. C'est donc sur les terrains des installations mexicaines de Bacardi que Mies fit construire une adaptation de ce premier projet. Il s'agit d'un austère prisme d'acier noir et de verre déposé sur un sol de travertin, dont le rez-de-chaussée transparent donne l'illusion que l'étage supérieur flotte au-dessus du sol. On a accès à l'étage par deux escaliers monumentaux symétriques qui mènent à un plancher en plan libre où les espaces de l'administration de la compagnie et ceux de la direction sont séparés par des panneaux de bois qui vont du plancher au plafond. La présence de meubles d'époque conçus par Mies lui-même (fauteuils Barcelona et Brno) illustre les efforts de préservation patrimoniale de la compagnie Bacardi. Apparemment, peu de modifications ont été apportées au bâtiment, sauf l'ajout une porte en acier poli qui sépare la salle du conseil des bureaux administratifs. L'édifice est construit sur un tapis gazonné parsemé de quelques arbres matures, dont certains viennent toutefois cacher une partie du bâtiment.

À la même époque, Bacardi commanda à l'architecte mexicain d'origine espagnole Félix Candela un bâtiment industriel pour abriter son usine d'embouteillage et d'empaquetage. Candela, qui travaillait beaucoup à l'époque les minces voiles structuraux à double courbure inversée, proposa à Bacardi la construction d'un immense espace de 55m par 93m, avec seulement deux colonnes porteuses à l'intérieur. Ceci fut rendu possible par la conception de la structure, composée de six voutes croisées formées par des paraboloïdes hyperboliques (hypar) qui s'abaissent jusqu'aux piliers d'angles sur le sol. L'espace sous les arches est fermé par un mur à hauteur d'homme surmonté par de grands baies vitrées protégées du soleil par le rebord des voutes. Une bande vitrée couvre l'espace entre les voutes, contribuant à fournir l'éclairage naturel pour les activités industrielles. Cette élégante «cathédrale» abrite encore aujourd'hui les activités pour laquelle elle a été construite. Les changements apportés sont mineurs.



Ce qui n'est pas le cas pour un autre bâtiment de Candela, aussi pour Bacardi, un entrepôt extérieur destiné au vieillissement du rhum en fut de chêne. L'architecte avait conçu un immense espace dont le toit est formé de parasols sur piliers, une autre interprétation de son architecture avec les hypars. Dans ce cas, l'éclairage naturel était assuré par un décalage vertical entre les parasols, ce qui permet l'installation de fenêtres. L'édifice fut construit sans murs, ce qui devait donner un coup d'oeil spectaculaire quand il était rempli. Des murs ont toutefois été ajoutés au cours des années, et les barils de rhum vieillissent maintenant dans une cours sans toit.

Marc Doré

mardi 24 août 2010

Maison-atelier Luis Barragán à Mexico


Celui qui, se promenant dans le quartier Tacubaya de Mexico, passe devant la maison-atelier de Luis Barragán, sans s’arrêter, à cause de la façade non invitante, ne pourra en apprécier la juste valeur.
Il faut entrer, constater la fonctionnalité des lieux, apprécier la lumière amenée par la fenestration sur le jardin et être ébahi par les couleurs. Des rose lumineux, des jaunes, des violets et des bleus colorent les murs. Comme d’autres grands architectes modernes, Barragán utilise la couleur en complément à l’architecture : « Elle permet d’élargir ou de délimiter un espace. Elle est nécessaire pour ajouter une touche de magie à un lieu.» Cependant sa palette n’est ni abstraite, ni naturaliste; elle découle de la culture locale, elle renvoie aux tonalités éclatantes des marchés.

Construite en 1948, la maison de Barragán comporte deux parties, l’une abritant l’atelier de l’architecte, l’autre sa résidence. Le bâtiment, tout en béton, comporte un rez-de-chaussée, deux étages et une grande terrasse en toiture. Elle est complétée par un jardin enclos qui favorise la méditation.

Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2004, la maison est aujourd’hui un musée.

Elle sera visitée le jeudi 19 août 2010. L’architecte Catalina Corcuera, directrice de la maison-atelier de Barragán, donnera une conférence sur sa patrimonialisation.

Claude Hudon, étudiant, DESS en architecture moderne et patrimoine
Révisé par Mexicana

(Photographie par Claude Hudon prise le jour de la visite)
Références
Adria, Miguel, Les bâtisseurs de lumière, architectures mexicaines contemporaines, Paris, Éditions Norma, 2003.
Buri, René, Luis Barragán, Paris, Phaidon, 2000.
Curtis, William J. R., L’architecture moderne depuis 1900, Paris, Phaidon, 2004.
Ypma, Herbert J. M., Mexique contemporain, Paris, Assouline, 1997.

lundi 23 août 2010

Chapelle Notre-Dame-de-la-Solitude, Coyoacán, 1955

Enrique de la Mora, Fernando López Carmona, Félix Candela, architectes
La Chapelle Notre-Dame-de-la-Solitude (Capilla de Nuestra Señora de la Soledad) est située à Coyoacán, un quartier récent de la ville de Mexico au moment de sa construction en 1955. Elle s’élève sur la colline El Altillo qui lui donne son nom courant. Le bâtiment fut commandé par les Pères missionnaires du Saint-Esprit au début des années 1950 à l'architecte Enrique de la Mora et à son collaborateur Fernando López Carmona, qui poursuivent ici leur collaboration avec Félix Candela. Architecte, ingénieur et constructeur d'origine espagnole, Candela est venu s'installer au Mexique après la Guerre civile espagnole (1939). Les Pères voulaient une petite chapelle, peu coûteuse, mais qui devait marquer le paysage pour des raisons de représentations évidentes. Comme dans plusieurs ouvrages faits en collaboration, Candela se concentra sur la réalisation de la fine toiture-structure, les autres architectes développant les autres aspects du projet. Orienté nord-sud, le bâtiment en forme de losange est recouvert d'un voile en béton armé en forme de paraboloïde hyperbolique (en selle de cheval), typique du travail de Candela. Il est déposé sur de solides murs de béton recouverts de maçonnerie. Placé sous la partie la plus élevée de la courbe concave, le chœur est adossé à un monumental vitrail qui monte jusqu’au toit. Cette double caractéristique donne à l’édifice une spectaculaire dynamique qui se manifeste dès qu’on y entre. Le mouvement, à la fois concave et convexe, de la toiture permet la différenciation de l’espace intérieur, sans aucune division physique.

La chapelle sera visitée le samedi 21 août 2010.

Marc Doré, étudiant finissant du DESS en architecture moderne et patrimoine
Révisé par Mexicana

Références

Candela, Félix, «Une seule conscience pour l'oeuvre à créer», Architecture d'aujourd'hui, (décembre 1961-janvier 1962), p. 6.
De Anda Alanis, Enrique X., Candela, La maîtrise des limites, Paris, Taschen, 2008.
Smith, Clive Bamford, Builders in the Sun. Five Mexican Architects, New York, Architectural Book Publishing / Toronto, Saunders, 1967.
Van Vynckt, Randall J., «Candela, Felix», in International Dictionary of Architects and Architecture, Detroit, St. James Presse, 1993, p. 144-146.

Le musée expérimental El Eco, d’expérimentation émotionnelle à reconnaissance patrimoniale


En 1953, l’artiste pluridisciplinaire d’origine allemande, Mathias Goeritz (1915-1990), concrétise son Manifeste de l’architecture émotionnelle en réalisant le Musée expérimental El Eco. Dans cette « prière plastique » qui s’élève contre le fonctionnalisme, il expérimente l’architecture-sculpture, l’œuvre d’art totale et l’espace-promenade.

Pour l’édification d’El Eco, le mécène, Daniel Mont, met à la disposition de Goeritz un terrain exigu au cœur de la ville de Mexico et une équipe colossale d’ingénieurs et d’ouvriers.

Le musée en béton coulé sur place est conçu et modifié au fur et à mesure de sa réalisation. Haut de deux étages, il suit un plan en L non orthogonal qui enserre un patio fermé sur rue par un muret. À l’intérieur, les espaces principaux sont le hall en forme d’entonnoir, la grande salle rectangulaire de pleine hauteur et la salle triangulaire du bar. Goeritz intègre des œuvres monumentales in situ dont le Serpent, sculpture en acier, la Tour noire et la Tour jaune, deux prismes de béton de 6 et 12 mètres de haut.

Rapidement, après la mort de Mont, fin 1953, le bâtiment perd sa vocation. S’ensuit un cycle destructeur de conversions. Lorsqu’il est fermé, en 1997, le bâtiment est méconnaissable. En 2004, l’UNAM en fait l’acquisition et entreprend de le restaurer. En 2006, l’université ouvre un concours pour l’agrandissement du musée qui est remporté par le consortium LAR et FRENTE. Par son plan, ses matériaux et ses couleurs semblables, le projet dialogue avec l’œuvre de Mathias Goeritz.

La visite de ce site aura lieu le vendredi 20 août 2010.

Soraya Bassil, étudiante finissante du DESS en architecture moderne et patrimoine, UQAM
Révisé par Mexicana

Références
Beaudoin, Laurent et Mathias Goeritz. « Mathias Goeritz : le musée expérimental El Eco, Mexico, 1953». AMC. Architecture mouvement continuité, n° 16 (juin 1987) : 26-29.
Cuahonte de Rodriguez, Maria Leonor. Mathias Goeritz (1915-1990) : l'art comme prière plastique. Paris : L'Harmattan 2003, 335 p.
Cetto, Max L. Modern Architecture in Mexico. New York: Frederick A. Preager, 1961: 104-105.
Archdaily, http://www.archdaily.com/55298/el-eco-museum-extension-lar-frente/ (consulté le30 juillet 2010)
Universidad y patrimonio, http://universidadypatrimonio.net/fra/noticias/Archive_2010/04_07_2010.html (consulté le 30 juillet 2010)
Site Internet du musée : http://www.eleco.unam.mx/sitio/index.php/eng-el-eco-content/mision (consulté le 30 juillet 2010)
Modélisation disponible sur You Tube : http://www.youtube.com/watch?v=8s8v8Edcw5w (consulté le 30 juillet 2010)

dimanche 22 août 2010

École nationale de musique, visitée le 20 août 2010.


Les bâtiments visités lors de voyages comme celui qui nous occupe actuellement, présentent parfois des attraits insoupçonnés. L’École nationale de musique constitue, pour moi du moins, cet attrait insoupçonné, notamment par la qualité de son implantation sur un terrain qui pourrait sembler plutôt rébarbatif au départ; un terrain à l’étroit, bordé par deux rues, d’une forme triangulaire allongée. Malgré cette difficulté d’implantation, le projet présenté en 1946 par cet architecte mexicain de renom, Mario Pani (1911-1993) en l’occurrence, rempli très bien les fonctions requises pour l’école : accueil, salle de spectacles; espaces académiques et espace (extérieur) de spectacles grand public. À la point du triangle, des fonctions d’accueil : bureaux et cafétéria sont regroupées autour d’un jardin intérieur qui caractérise bien l’architecture mexicaine. La salle de 1000 places, accessible à partir du jardin, est pourvue d’un foyer d’accueil de forme arrondie, tout de béton et très ouvert sur le jardin; encore une caractéristique de l’architecture mexicaine. Arrive ensuite l’amphithéâtre extérieur de 3000 places; cet amphithéâtre, d’ailleurs, n’est pas sans me rappeler (pour le québécois que je suis) celui du Festival d’été de Lanaudière, à Joliette. Pani avait prévu un espace pourvu de bancs de béton, en pente légère permettant
au grand public d’apprécier les concerts extérieurs donnés par les élèves. L’espace fut gazonné par la suite, les bancs sont donc disparus. De chaque côté de cet espace gazonné, se trouvent les fonctions académiques et, enfin, un autre bâtiment, académique, vient refermer l’espace gazonné, créant en quelque sorte un second jardin intérieur. Mario Pani a favorisé l’emploi de la pierre taillée pour les murs du rez-de-chaussée et l’emploi de blocs de maçonnerie pour les murs des étages qui bordent l’amphithéâtre extérieur.


En se promenant dans l’espace gazonné de l’amphithéâtre, le calme des lieux apparaît; lieux constitués de jardins intérieurs bordés de bâtiments ouverts sur les jardins. La recherche du calme dans des villes très animées et très bruyantes n’est-t-il pas très mexicain?





Texte et photographies de Claude Hudon. Photographie aérienne tirée d'Internet.

Journée de vendredi 20 août 2010

Les visites durant cette journée ont porté sur trois projets d’architecture fort différents: l’usine de Bacardi (Mies Van der Rohe, bureaux; Félix Candela, usine, 1957-1961), l’école de musique nationale (Mario Pani, 1946)et le musée expérimental El Eco (Mathias Goeritz, 1953). Marc Doré et Claude Hudon vous feront part de leurs impressions quant aux deux premiers projets. Pour ma part, je me concentre sur le musée qui d’ailleurs était l’œuvre dont je devais faire la présentation in situ et dont vous pourrez lire la description sur un autre de mes billets.

Du côté du processus de patrimonialisation du musée expérimental El Eco, nous avons constaté que l’UNAM avait misé sur une restauration respectueuse de l’état d’origine du musée. Cependant, les expérimentations artistiques que l’administration du musée permises par l’administration du musée ne se font pas sans heurts au cadre bâti historique. Pourquoi avoir tant dépensé pour restaurer une œuvre qui nous semblait être du patrimoine moderne et aujourd’hui permettre au nom de la pleine liberté de création – incluse dans la commande initiale faite par le mécène, Daniel Mont – un travail artistique niant l’espace dans lequel il s’insère. Il semble qu’il y ait une incompréhension du programme et du parti architectural souhaité par les collaborateurs du projet. Pour Goeritz cet espace architectural n’était pas prévu pour être utile, mais était pensé comme une sculpture. Il y voyait bien sur une architecture vivante où les artistes réalisaient des performances et où le public était convié à tout moment durant le processus de création. Mais il ne semble pas qu’il entendait que son œuvre puisse être touchée, voire niée par les artistes en résidence. L’œuvre pose donc un problème quant à son usage réel et cela demanderait une réflexion plus poussée sur comment mettre à profit l’espace tout en respectant sa valeur patrimoniale.

Un constat pourrait être fait en regard de l’agrandissement contemporain que l’UNAM a fait réaliser. Il s’agit d’un projet tout en mimétisme qui bien que le parti architectural soit très réussi ne permet pas au commun des mortels de savoir où le musée commence et où son annexe débute. Nous avons aussi remarqué que le cadre bâti environnant, notamment un édifice plus haut que le musée et peint en bourgogne nuisait à la lecture des espaces du musée. Bien entendu, le musée n’étant pas protégé par aucune loi, il ne bénéficie pas d’une aire de protection qui permettrait d’assurer que rien ne vienne en conflit avec l’objet pour lequel on a mis tant de soin à remettre en état.

Pour connaître d’autres opinions émises par les étudiants et participants du voyage à cet effet, je vous enjoins de lire le billet portant sur le séminaire de synthèse 1 écrit par Josée Laplace.

Texte par Soraya Bassil