mardi 12 mai 2009

En avant moussaillon!


L'architecte François Spoerry a eu l'idée au début des années 1960 de créer de toutes pièces un village lacustre où le Français moyen pourrait venir passer ses vacances en famille au bord de la mer, son voilier stationné devant la maison individualisée au look provençal. Ce fut Port-Grimaud, une sorte de Venise moderne de carte postale dont il fut l'idéateur, l'urbaniste, l'architecte, le promoteur et le constructeur, installant son utopique village dans une zone marécageuse complètement «nettoyé» de son éco-système naturel. C'était les années 1960, on ne s'embarrassait pas de considérations écologiques et il fallait donner aux Français les lieux de loisirs que commandaient leurs nouveaux moyens économiques et la composition sociale de leur société, où après tout les cadres sup' n'allaient pas en vacances avec le peuple.
Port-Grimaud, que Spoerry reproduisit plus tard en quelques exemplaires, entres autres aux Etats-Unis, a maintenant une reconnaissance patrimoniale, témoin des idées d'une autre époque. Le village est un curieux mélange de vraie vie et de théâtre, où on peut jouer au maître à bord dans un environnement individualisé qui permet de ne pas avoir de contacts avec ses voisins, comme en banlieue pavillonnaire. La vue des bateaux enlignés le long des canaux sinueux est impressionnante, tout comme cette suite de petites maisons colorées et uniques qui soulignent le féroce individualisme de leurs occupants et leur intégration sociale réussie dans leur groupe socio-économique.
Ironiquement, ces capitaines d'opérette ne vivaient leur rêve que deux semaines par année, bien souvent incapables de manoeuvrer leur bateau, qu'un skipper professionnel menait en mer quelques fois par été pour une excursion.
Encore aujourd'hui, en dehors des vacances d'été, Port-Grimaud a une population clairsemée; mais peut y louer un kit local de capitaine et vivre la vie de bord de mer dans un village de 2000 habitants. Les touristes y passent nombreux, même s'il n'y a pas vraiment d'attractions pour eux. Notre groupe y est arrivé au moment où, profitant d'un long congé, des motards cinquantenaires de toute l'Europe y tenaient un énorme rassemblement en faisant pétarader leurs Harley-Davidson autour de Port-Grimaud. La rencontre de ces deux univers de compensation avait quelque chose d'hallucinant!


Pour en savoir plus: http://www.port-grimaud.fr/

Marc Doré